vendredi 15 janvier 2010

Dernières nouvelles

J’ai changé d’oncologue. Le lundi suivant mon rendez-vous avec le docteur A., je suis allée voir l’infirmière responsable en oncologie. Grâce à Claudette, thérapeute extraordinaire qui a fait in extremis un traitement énergétique, j’ai retrouvé suffisamment d’aplomb pour dire à l’infirmière d’un ton catégorique que ça c’était très mal passé avec le docteur A. et que je ne voulais plus jamais le voir ni lui parler. Elle a eu l’air inquiète et contrariée, mais le lendemain, elle m’a téléphonée pour me dire que les deux médecins étaient d’accord et que je verrais désormais le docteur G.

La question la plus surprenante qu’on m’ait posée depuis mon entrée dans le système de santé : « Comment vous sentez-vous ? », question posée par mon médecin de famille lors d’un rendez-vous au début décembre. L’idée qui m’a le plus souvent traversé l’esprit : « Je suis un être humain ». On lit souvent que le système de santé déshumanise, c’est vrai. Le personnel administratif et infirmier est d’une gentillesse et d’une courtoisie remarquables. Mais pour les spécialistes, au haut de la chaîne alimentaire, les patients ne sont pas des personnes à part entière. On est un organe, une pathologie, des protocoles, des résultats. À l’étape du diagnostic, ça passe encore, il s’agit d’aller vite. Mais à l’étape du traitement, je vois mal comment on peut soigner les gens sans s’intéresser à l’ensemble de la personne.

Le premier traitement de chimiothérapie a été désastreux. Cinq jours et cinq nuits assise droite dans mon lit en proie à d’affreuses nausées, à essayer de boire de l’eau en ne pensant qu’à une chose : ne pas vomir. J’ai perdu 12 livres en 15 jours. La souffrance physique a fait remonter à la surface d’indescriptibles douleurs morales enfouies profondément. J’ai revu les monstres de mon enfance. J’ai senti la présence de la mort. Je me suis dit que les maux de l’âme sont bien pires que ceux du corps. On a changé la formule et je poursuis les traitements.

Plutôt que d’envisager les mois qui viennent comme une lutte, je les envisage comme un travail, au sens où l’entendait le jeune Marx d’une activité par laquelle l’être humain se réalise pleinement. C’est un travail de guérison de l’âme, du cœur et du corps, dans l’ordre. Moi qui ai toujours eu une vie spirituelle quasi-inexistante, voici que je me suis découvert un ange gardien. Il m’est apparu lors d’une séance d’acupuncture. J’ai senti un tourbillon dans ma poitrine et tout à coup il était là, à ma gauche, longue robe, grandes ailes et cheveux ondulés jusqu’aux épaules. Au début, j’ai eu peur, mais depuis j’ai appris à lui parler. C’est très très pratique quand on avance à tâtons dans le noir. J’ai aussi découvert que j’avais une âme, blanche, brillante et solide. C’est très rassurant. Tout ça me fait parfois penser au plaisir de la découverte associé à la recherche sociologique. Ce travail de guérison est difficilement compatible avec la tenue d’un blogue.

Je tiens à remercier tous ceux et celles qui m’ont envoyé des messages d’amitié et d’appui au cours des derniers mois. Chacun de ces messages demeure gravé dans ma mémoire. Je sens les pensées que l'on m'envoie comme une présence tangible autour de moi. Elles constituent une source indispensable d’appui dans les moments difficiles.

Qui êtes-vous ?

Je suis sociologue, féministe, professeure à l'université, mère d'une fille de 19 ans

Membres