vendredi 13 novembre 2009

Un diagnostic

Je n’ai pas donné de nouvelles depuis plusieurs jours parce qu’il n’y a pas de nouvelles et parce qu’écrire demande beaucoup d’énergie que je consacre à autre chose.

Après de multiples appels téléphoniques de part et d’autre, j’ai finalement obtenu un rendez-vous avec le Dr. C. pour qu’il me donne en personne les résultats de la biopsie pleurale. Cancer du poumon non à petites cellules, stade 4. J’avais cru comprendre en lisant sur Internet que c’était une moins mauvaise nouvelle, mais le Dr. C. m’avait expliqué lors d'un précédent rendez-vous qu’il y a 13 types de cancer non à petites cellules, certains beaucoup plus virulents que d’autres. C’est le degré de différenciation des cellules qui compte. Le Dr. C. semblait ce matin-là disposé à me donner des explications, je ne le sentais pas pressé par le temps. Mais moi, j’ai été absolument incapable de lui poser quelque question que ce soit. J’ai parlé de H1N1 et d’autres détails, en évitant toute question précise sur le diagnostic. Je ne me sentais pas capable à ce moment-là d’entendre ce qu’il aurait pu me dire. Sachant que j’aime voir les choses écrites noir sur blanc, il m’a donné une photocopie du rapport de la biopsie. J’ai donc un diagnostic précis, avec le type exact de cellules, ce qui clôt un chapitre. Mais je ne suis pas beaucoup plus avancée.

Les joies du système de santé en ces temps de H1N1 : J’avais mon premier rendez-vous en oncologie le 17 novembre, soit mardi prochain. J’ai reçu un appel sur ma boîte vocale cet après-midi me disant que l’oncologue est malade, H1N1, et que mon rendez-vous est reporté au 26 novembre. Câlice! J’ai rappelé l’hôpital pour parler à Paulette, qui gère les rendez-vous. Un autre ange du système de santé. Pouvoir rejoindre quelqu’un qu’on appelle par son nom et qui sous reconnaît, c’est déjà quelque chose. Elle m’a expliqué la situation et ses efforts pour me caser quelque part. Elle m’a aussi dit que dès que je « tomberais entre leurs mains » (j’ai hâte, bien que les procédures qu'elles décrivait avec un certain enthousiasme n'avaient pas l'air très rigolotes), les choses iraient assez vite.

Premier diagnostic d’une tumeur suspecte : le 25 septembre 2009; premier rendez-vous en oncologie : le 26 novembre (si tout va bien et si la grippe du Dr. A. ne dégénère pas). Deux mois. À quand le début des traitements?

En attendant, je me prépare. J’ai demandé aux Archives de l’hôpital une copie de mon dossier, que je viens de recevoir ce matin. Très empowering. J’ai tous les rapports des tests et des spécialistes. Je ne comprends pas tout, mais lors du prochain rendez-vous nous aurons accès le médecin et moi à cette information et je serai mieux à même de poser des questions ciblées. En fait, l’image qui m’est venue spontanément en tête est celle d’un procès, avec le médecin en juge sur une estrade et moi dans le box des accusés, qui me prépare à me défendre.

J’oscille constamment, souvent d’une heure à l’autre, entre l’épouvante glacée et une sorte de sérénité joyeuse. Du côté de l’épouvante, il y a la douleur qui s’intensifie, je dose mes Tylénol 500 pour ne pas dépasser la dose quotidienne conseillée par mon médecin. Il y a la fatigue et la peur de la maladie. Mais de l’autre côté, il y a le bonheur des petites choses : être en vie plutôt que d’avoir reçu une dalle de béton sur la tête ou d’avoir été happée par une voiture; les longues heures passées avec ma fille à parler de tout et de rien, à être bien avec elle; sa petite main douce qui chasse la douleur dans mon dos; des heures consacrées à faire ce que j’avais le goût de faire depuis longtemps, c’est-à-dire strictement rien; tous ces gens qui m’entourent. Je cultive avec toute l’énergie dont je suis capable ces moments de bonheur parce que je crois que c’est là que se trouvent les possibilités de guérison.

Il est possible que j’écrive moins au cours des prochaines semaines, et même que je ne donne plus de nouvelles du tout. Passées les premières semaines de choc et d’agitation frénétique, il me semble que c’est une autre phase qui commence. Je sens que j’aurai besoin de toutes mes forces, de toute mon énergie, pour faire face à ce qui m’arrive.

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Qui êtes-vous ?

Je suis sociologue, féministe, professeure à l'université, mère d'une fille de 19 ans

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